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Cellule

Conception, danse, texte et images, Nach – au Théâtre de la Bastille, dans le cadre du festival Faits d’hiver.

© Dainius Putinas

Dans sa famille on dansait beaucoup, ne serait-ce que pour rendre les difficultés de la vie plus supportables, et même joyeuses. Anne-Marie Van, de son nom de scène Nach, est née à la danse par ses expériences : familiale, de la pratique du krump – un mouvement né dans les quartiers pauvres de Los Angeles dans les années 2000, qu’elle a pratiqué sur le parvis de l’Opéra de Lyon et sur les toits de la porte de Montreuil – par les rencontres et les influences dont elle s’est nourrie. Elle a un jour osé franchir le pas en montant sur scène et développe aujourd’hui un vocabulaire très personnel.

La rencontre avec Heddy Maalem avec qui elle a dansé dans Éloge du puissant royaume puis dans Nigra sum, Pulchra es, et dans un solo écrit pour elle d’après Le Cantique des cantiques, puis l’admiration de Bintou Dembélé, danseuse et chorégraphe, pionnière de la danse hip-hop, lui ont donné le courage de se lancer, seule, et la conviction qu’elle pouvait trouver sa place dans la galaxie chorégraphique. Heddy Maalem l’a vivement encouragée. Nach s’est aussi nourrie d’autres influences qui lui ont permis de trouver sa propre inspiration, elle évoque entre autres un clip des Chemical Brothers, Galvanise, ainsi que le film Rize, de David Lachapelle qui par sa danse hyper puissante évoque pour elle les rituels haïtiens.

© Dainius Putinas

Ouverte sur les arts graphique, visuel et poétique, elle communique dans la danse ses sensations et vibrations avec un grand art du contraste et de la rupture. Ses formations sont multiples, de l’école de la rue à l’école de la vie à travers une sensibilité et une réflexion qui la poussent à avancer se sont mêlées des expérience et recherches qu’elle a menées jusqu’au Japon où elle fut en résidence un temps à la Villa Kujoyama. Les danseurs de butô l’ont fascinée ainsi que l’univers photographique d’Antoine d’Agata autour de la drogue et du sexe, et les photographies en noir et blanc de Francesca Woodman, artiste à la courte vie dont l’œuvre oscillait entre rêve et cauchemar.

La multiplicité de ces rencontres et de ces influences a pétri l’expression de Nach, qui a pris son destin en mains. Cellule est son premier solo, créé en 2017, inspiré du court-métrage Ai (Love) de Takahiko Iimura, un film poème qui ouvre sur la sensualité du corps, sujet qu’elle reprend, ainsi que les concepts de désir et d’indomptabilité. Car elle se reconnaît avant tout dans un autre concept, celui de guerrière, issu du mouvement krump et qui indique le moment où on entre dans le cercle pour affronter l’autre.

© Dainius Putinas

Cellule s’ouvre sur des photos argentiques de sa communauté qu’elle avait prises, avant qu’elle n’apparaisse dans le silence de panneaux qui s’ouvrent et lui offrent le passage. Elle propose une méditation sur la place qu’on assigne à chacun et qui crée comme un enfermement, une clôture. Elle tape les rythmes, s’éclaire à la lueur d’une lampe de poche et provoque des jeux d’ombre, fabrique des écritures, projette des images où elle danse nue.

Plus tard elle sculpte l’espace rougi d’un incendie, s’accompagne de chants spirituals, puis d’une partition de piano, sublime, danse au sol. Elle écrit son spectacle qu’elle maitrise magnifiquement, invente des gestuelles autour du vêtement, lance les bras, joue des mains, prend  des pauses-photos élaborées.

Les mots-clés qui la caractérisent sont énergie, engagement, rythme, expressivité, identités multiples. Pour preuve ce solo, Capture, qui ouvre vers un langage du corps très personnel et flamboyant.

Brigitte Rémer, le 12 février 2024

Conception, danse, texte et images Nach – création lumière et décors Emmanuel Tussore – régie générale et régie son Vincent Hoppe – construction décors Boris Munger et Jean-Alain Van – production, diffusion et administration Alice Fabbri Valérie Pouleau

Vendredi 26 janvier à 20h30, samedi 27 et dimanche 28 janvier à 18h30, au Théâtre de la Bastille, 76 rue de la Roquette. 75011. Paris – tél. :  01 43 57 42 14 – site : www.theatre-bastille.com et www.faitsdhiver.com